LEs mystères de l'orchestre jaune
par Anna Lietti
Pour les habitués, le bal de l'Orchestre jaune, c'est comme Noël ou l'anniversaire de papa : le genre d'événement rare qui ne se discute pas. On note la date dans son agenda, et on organise les vacances, les séjours en clinique et autres mariages avant ou après, jamais pendant. C'est très reposant, c'est ce qu'on appelle avoir des repères, dans un monde où tout n'est plus que question : faut-il oui ou non mettre des notes à l'école ? Manger du bœuf ? Devenir bouddhiste ? Prendre l'avion ? Porter des mules ? C'est vraiment très fatigant de devoir toujours tout décider. Face au Bal de l'Orchestre jaune, on ne se pose pas de questions. On y va. L'inconvénient, c'est que lorsqu'un béotien demande : « C'est quoi ce bal de l'Orchestre jaune ? », l'habitué est un peu emprunté. Il manque d'entraînement côté verbalisation. Pour gagner du temps, il dit alors : « Cooooooomment ? Tu ne connais pas le bal de l'Orchestre jaune ? Il faut aaabsolument que tu viennes la prochaine fois. Je t'emmène, ok ? » Mais le béotien insiste : « D'accord, mais il a quoi de spécial, ce bal ? » Et il arrive que l'habitué finisse par se dire : tiens, c'est une bonne question. Qu'est-ce qui fait que c'est si bien, le Bal de l'Orchestre jaune ? Alors, essayons de répondre. D'abord, n'ayons pas peur des mots, c'est un bal. C'est-à-dire une soirée où l'on danse, et pas tout seul chacun dans son coin. Des vieux rocks italiens, des slows rugissants de l'éternel Johnny, et toute une série de trucs très pimpants, de quoi allègrement frétiller du popotin. Oui, mais c'est quoi le secret de l'Orchestre jaune, son charme indéfinissable ? Sa fraîcheur, peut-être. Mais attention ! C'est frais, mais pas maladroit. On peut même dire que ces musiciens-là, avec leurs airs de se taper sur les cuisses entre potes, font preuve d'une maîtrise absolue. Mais attention ! Ils sont sérieux, mais ne se prennent pas au sérieux. Bon. En somme, les musiciens de l'Orchestre jaune parviennent à atteindre l'état de légèreté qui, comme nul yogi ne l'ignore, n'advient qu’après des années de travail et de concentration. On se dit, ils ont un truc, mais il n'y a pas de truc. Il y a juste des superpros. Ces superpros s'offrent le plaisir d'animer un bal. Daniel Perrin leur a préparé des arrangements très soignés, ils ont peu répété, ils improvisent ici et là. Et comme ils ont une expérience considérable, ils peuvent se permettre de faire les guignols. Finalement, le mystère de l'Orchestre jaune, c'est celui du grand art. Plus il y a de travail, moins il se voit. Et comme ça ne se voit pas, le public peut se payer le luxe de ne pas se poser de questions. C'est tellement reposant.
l’ORCHESTRE JAUNE C’EST QUOI D’ABORD ?
Ainsi va le Bal de l’Orchestre jaune
par Marie Perny
L’Orchestre Jaune, c’est 22 personnes réunies par Daniel Perrin, pianiste compositeur lausannois : musiciens, chanteurs, chanteuses, une section rythmique, des cuivres, des claviers, des guitares, un violon même, un accordéon parfois mais pas souvent. Une grande formation donc.
L’Orchestre jaune joue de la musique à danser, live. Imaginez la phonothèque totale: passez les rayons musique symphonique, baroque, médiévale, la musique ethno ; les étagères techno, junggle, metal, rap ; rien non plus dans les casiers free jazz, musique expérimentale, concrète. Dans le grand tiroir qui reste, l’orchestre pioche de quoi constituer son répertoire. Pop music ? Beaucoup. Rythm’Blues ? Oh yeah. Chanson française ? A l’occasion. World music? Un peu. Ça chante et ça danse en anglais, en français, en italien, en espagnol, en serbe, en arabe, des hits inoxydables créés par d’illustres fantômes auxquels l’orchestre rend hommage : des Beatles à Police, de James Brown à Amy Winehouse, de Brassens à Nino Ferrer et aussi Tina Turner, Jonasz, Joe Cocker, Sanseverino, et encore beaucoup d’autres. Des heures de répertoire à danser.
L’Orchestre Jaune se fait rare, difficile en effet de réunir et de faire vivre une formation d’une telle ampleur. Les musiciens, chanteurs, chanteuses du groupe s’expriment tout au long de l’année ailleurs avec d’autres, pour faire vivre d’autres musiques.
Du coup, malgré ses 30 ans d’âge, le Jaune a gardé sa fraîcheur, un beau jaune ambré comme un whisky bonifié par le temps tout de même. Du coup, les sorties de l’orchestre ont tout de la réunion de famille. Sur scène comme dans la salle, on se retrouve, on ne s’est pas vu depuis longtemps, on constate que la tribu a évolué. De jeunes musiciens sont adoptés, des couples se font, se défont, se refont, les générations, les styles se mélangent, sur scène comme dans la salle.
Pourquoi jaune, l’Orchestre ? On ne sait plus : une idée de Daniel Perrin, au début. C’est égal. De toute manière, à la fin du bal, il fait nuit noire, les couleurs, on ne les voit plus. Les musiciens rangent les instruments, les danseurs boivent un dernier verre, les musiciens aussi. Tout le monde est heureux et crevé. On a dansé comme des fous, on a joué comme des valeureux, on se reverra la prochaine fois, on verra bien où en sera la tribu, sur scène comme dans la salle. Pourvu qu’elle reste ouverte.
Ainsi va le Bal de l’Orchestre jaune.
ALORS LÀ, FRANCHEMENT, SI APRÈS ÇA
VOUS NE VENEZ PAS C’EST À N’ y RIEN
COMPRENDRE…